« Twelve significant photographs in any one year is a good crop. »
– Ansel Adams
Pour ceux et celles qui sont habitué.e.s à ce blogue, vous savez que je commence immanquablement par cette citation d’Ansel Adams. Elle synthétise bien l’esprit dans lequel cette rétrospective annuelle s’inscrit. Il ne s’agit en effet pas de vous présenter l’ensemble des photos prises durant l’année ou encore celles qui ont amassé le plus d’attention, mais plutôt d’effectuer une sélection rigoureuse d’un nombre limité de scènes captées qui sont significatives pour moi, autant d’un point de vue artistique que d’expérience. Vous retrouverez d’ailleurs une description accompagnant chaque photo afin de vous aider à bien comprendre pourquoi elle a été choisie.
Une direction
Cette année encore, mes déplacements se sont grandement limités à l’Est du Canada, concentrant mes activités à l’intérieur de la région de Charlevoix, des maritimes et de Terre-Neuve. Les raisons sont majoritairement liées à mon occupation du temps extrêmement serrée puis à un choix personnel de me concentrer sur l’exploitation d’un territoire en particulier. Depuis un certain temps, je soutire davantage de plaisir à connaître intimement un endroit pour en extraire des photos qui sont le fruit d’une démarche de planification et de visualisation.
Cette approche coïncide également avec l’imposition graduelle d’un style photographique plus doux, atmosphérique et minimal que les années précédentes. Vous remarquerez ainsi que près de la moitié des photos présentées ci-dessous a été prise durant une météo capricieuse, promulguant une ambiance particulière à la scène. Ce type de photo n’est pas nouveau pour moi, mais prend de plus en plus de place. Une progression s’est d’ailleurs effectuée durant les rétrospectives de 2017 et de 2018.
Réflexions et commentaires
Avant de vous laisser plonger dans le vif de l’article, je vous invite fortement à partager ce billet si vous appréciez mes photos et mes mots. De plus, n’hésitez pas à m’écrire si vous avez des questions ou des commentaires en utilisant l’espace ci-dessous ou par l’entremise des moyens listés ci-contre.
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Les glaces noires

Les glaces noires
Le chemin avait été long. J’explorais la Vallée des glaces dans le Parc National des Hautes-Gorges afin d’y trouver des formations glacées qui seraient intéressantes à photographier. Avec les températures avoisinant les -30°C et les neuf kilomètres de parcourus, je décidais de rebrousser chemin pour aller concentrer mon attention sur quelques bulles que j’avais aimées. Alors que j’étais sur le point d’arriver, je suis tombé sur ces immenses craques dévoilant les glaces noires. Trépied posé, j’attendis les dernières lueurs pour y photographier les premières étoiles dans le ciel.
Cette photo fait partie de cette série.
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Délicatesse

Délicatesse
Je m’étais levé aux petites heures du matin pour me diriger dans le Parc national des Grands-Jardins. J’étais dans le stationnement, j’avais mon sac à dos rempli de matériel photographique et, lampe frontale allumée, j’avais enfourché mon vélo, prêt à parcourir plusieurs kilomètres sur le ruban asphalté. À mesure que j’avançais et que les lueurs du jour se faisaient de plus en plus perceptibles, une épaisse brume commença à valser à travers les paysages. Je m’arrêtais ainsi périodiquement pour y photographier certaines parties du panorama qui attiraient mon attention. C’est durant l’un de ces arrêts que la brume glissa un très court instant à travers une vallée pour laisser passer la lumière du soleil. Ce mouvement fût suffisant pour que ce petit arbre, complètement givré, capte la lumière du soleil. La scène était d’une extrême délicatesse.
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1800 kilomètres

1800 kilomètres
J’étais parti la veille. J’avais alors parcouru la distance séparant Baie-Saint-Paul à North Sydney en un peu plus de douze heures pour aboutir sur le traversier navigant de la Nouvelle-Écosse à Terre-Neuve. À 23h45, le bateau quittait le port pour accoster le lendemain matin aux environs de 7h00. J’avais alors aussitôt repris la route, faisant qu’un petit arrêt à Corner Brook pour effectuer des emplettes. Mon plan était d’aller passer quelques jours dans le magnifique Parc national du Gros Morne. Arrivé à destination, la pluie, les vents et le froid me firent immédiatement changer d’idée pour finalement continuer ma route vers l’Anse-aux-Meadows, complètement située au Nord de l’île à quelques 350 kilomètres du parc. J’allais explorer durant deux jours un endroit qui m’était alors inconnu et j’étais excité de voir ce que cette petite aventure allait m’apporter.
La rencontre
Ça faisait un peu plus de 36 heures que j’avais quitté mon petit patelin charlevoisien. J’avais alors parcouru près de 1800 kilomètres je venais de passer Port-aux-Choix. La pluie tombait fort, les rafales de vents étaient violentes et, malgré le fait que le mois de juin était à nos portes, il y avait encore de la neige par endroits. C’est à travers ces conditions qui renforçaient l’aspect rude des paysages dénudés d’arbres et de reliefs que soudainement une harde de caribous fit son apparition. Arrêtant alors ma bagnole pour sécuritairement laisser passer ces cervidés, je pointais mon objectif pour prendre quelques clichés avant qu’ils disparaissent à travers les arbustes. Je reprenais par la suite la route, surpris et content de ma rencontre.
La surprise
Le temps passa et ce n’est que quelques jours plus tard, alors que je transférais mes fichiers sur mon ordinateur dans une chambre d’hôtel, que je suis tombé sur cette photo. Si sa composition peut paraître un peu minimale, je crois toutefois qu’elle symbolise bien tout le contexte dans lequel la rencontre s’est effectuée. Elle est pour moi chargée d’un souvenir qui restera probablement marqué longtemps dans mon esprit.
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Le froid visible

Le froid visible
Le froid mordant que la nuit avait accueilli avait laissé des traces. En effet, c’était tout le paysage qui était recouvert de givre, donnant un aspect visible au froid. Je me promenais à travers cette scène quand, entre deux bancs de brume, la lumière du soleil fraya son chemin pour illuminer quelques parties des arbres et des valons.
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L’acharnement

L’acharnement
Les milliers de kilomètres passés à rouler frénétiquement tiraient à leur fin. J’avais parcouru en quelques jours la distance séparant Charlevoix de St. Anthony, à Terre-Neuve. Je m’y étais rendu dans l’espoir d’y observer des icebergs de près.
J’avais passé plusieurs heures à arpenter les différentes routes et petits villages. La brume et la bruine occasionnelle rendaient la tâche compliquée, non seulement parce que les distances d’observation étaient réduites, mais également parce que les chemins étaient glissants et parfois incertains. Je n’apercevais rien et je commençais à me dire que mon acharnement était peut-être stupide quand, dans le creux d’une anse, ce gigantesque morceau de glace, complètement immobile, se révéla à moi. J’étais abasourdi. J’arrêtais donc mon automobile, je prenais mon matériel photo et je marchais ainsi quelques kilomètres pour finalement arriver devant cet iceberg d’un blanc immaculé.
Je suis resté plusieurs heures à le photographier sous différentes conditions. Des nombreuses prises, cette photo, où une brume diffusant les douces couleurs de fin de journée est certainement ma préférée, à la fois par sa composition, mais surtout par sa dualité narrative opposant les durs rochers sombres à la douceur de l’eau présente sous toutes ses formes.
Le cinquième jour

Le cinquième jour
C’était en juin. Mon frère et moi avions pris un bateau pour nous rendre dans le petit village de François, situé à l’extrême sud de Terre-Neuve. De là, nous avions entamé une randonnée en complète autonomie. Nous avions comme intention d’explorer les fjords et montagnes de ce coin de pays coupé du monde et très peu fréquenté. Si les deux premières journées avaient été marquées par un soleil radieux, nous nous étions réveillés le troisième jour pour affronter plus de 30mm de pluie portée par des vents allant jusqu’à 50km/h. Les jours subséquents avaient quant à eux été extrêmement brumeux, à un point tel qu’il était impossible pour nous de distinguer les paysages, navigant complètement au GPS.
Tout bascula le cinquième jour. Quelques percées dans l’épaisse brume nous avait en effet permis de distinguer certaines parties des magnifiques paysages. Nous avions donc décidé d’escalader une montagne pour que, une fois au sommet, la brume commença à se retirer. Ébahis, nous avions peine à y croire.
L’apparence de solitude

L’apparence de solitude
Même si le soleil n’avait pas encore franchi les montagnes, sa forte lumière se diffusait par l’entremise de la brume, touchant quelques parties de cette scène complètement givrée. À travers ce spectacle, ce mélèze, doré, semblait étrangement seul dans ce paysage quasi monochrome.
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Le Cran des érables

Le Cran des érables
L’automne battait son plein. La pluie de début de journée avait cédé sa place à un soleil qui allait et venait au gré de la couverture nuageuse. Je m’étais rendu dans le Parc national des Hautes-Gorges pour y passer la journée à photographier ses paysages et, alors que je randonnais dans le sentier du Riverain, les couleurs de la forêt et le jeu de lumière sur les montagnes attirèrent particulièrement mon attention. Après avoir fait quelques manoeuvres pour me trouver un endroit intéressant, je posais mon trépied afin de capter quelques parcelles de lumière éclairant le Cran des érables.
Un simple coup de chance

Un simple coup de chance
C’était une soirée qui s’annonçait complètement sans nuages. Le plan était relativement simple : j’avais pris les sentiers pour pouvoir capter les étoiles au-dessus de l’impressionnante vallée du Parc national des Hautes-Gorges. Je n’avais pas fait 200 mètres depuis le campement quand, d’une façon totalement inattendue, quelques nuages au-dessus des montagnes commencèrent à s’enflammer. J’étais pris au dépourvu et je n’avais aucune idée où je pouvais pointer mon appareil. Dans un geste désespéré, je me suis dirigé vers la rivière à travers l’épaisse forêt. Trouvant finalement une éclaircie donnant sur la vallée, j’ai pu poser mon trépied de façon précaire pour capter le spectacle céleste se réfléchissant sur les eaux sombres et calmes de la rivière Malbaie. Si j’évite généralement de compter sur la chance lorsque je fais de la photographie, il faut avouer qu’elle m’a bien servi sur ce coup.
Le parfum des roses

Le parfum des roses
Les brises allaient et venaient, apportant avec elles le doux parfum des roses, évoquant en moi un sentiment de nostalgie des étés passés sur les rives du Saint-Laurent.
Le passage du temps

Le passage du temps
Impuissants face au passage du temps, ces deux énormes morceaux de glace avaient, le temps d’une marée, arrêté leur dernier voyage.
Cette photo fait partie de cette série.
La disparition des étoiles (et la haine des cairns)

La disparition des étoiles (Et la haine des cairns)
Depuis quelques années, mes sorties nocturnes se sont grandement multipliées. Arpentant la région charlevoisienne, j’ai découvert des paysages qui prennent une toute autre allure en-dessous de la voûte étoilée. Il y a également un fort sentiment de solitude qui peut parfois être angoissant lorsque l’on se fait prendre par les sons des bêtes, mais qui pour la majeure partie du temps est rassurant puisque les pressions du monde moderne semblent tout simplement se dissiper.
Mes escapades dans l’obscurité ont également été l’occasion où j’ai pris connaissance de toute l’ampleur du problème que pose la pollution lumineuse. En effet, la nuit, nos villes et villages brillent inutilement fort. Leur éclat n’est évidemment pas restreint à leurs frontières et est diffuse par l’entremise de notre atmosphère, envahissant même les endroits reculés et inhabités. Nous perdons notre obscurité, les étoiles disparaissent, et nous commençons à peine à bien en saisir toutes les conséquences sur nous et la nature.
La présente photographie symbolise en quelque sorte cet enjeu. Perché sur la falaise, je voyais devant moi la Voie lactée dont la brillance était noyée dans le dôme lumineux généré par la la ville de Québec, située à quelques cent kilomètres de distance. C’était un spectacle qui était à la fois impressionnant et inquiétant.
Quelques détails supplémentaires
Cette photo a été le résultat de cinq tentatives. La première, effectuée au début du mois d’août, s’est soldée par un échec parce que la Voie lactée ne se positionnait pas exactement dans la lumière de Québec. J’ai donc dû attendre à la fin de ce mois pour pouvoir réessayer. Toutefois, les vents et la météo extrêmement capricieuse m’ont mené à devoir y retourner quatre fois pour enfin avoir les conditions espérées.
Pour ceux et celles qui connaissent Charlevoix, cette photo a été prise sur le cran du sommet du Mont-du-lac-à-l’Empêche. De son sommet, on peut clairement y voir toute la pollution lumineuse provenant évidemment des petites villes et villages de Charlevoix, mais aussi celle de Québec, des municipalités du Bas-Saint-Laurent et du parc éolien juché sur les montagnes du séminaire. Au nord, une mine de silice fait tant de lumière que vous pouvez distinguer sur la présente photo une variation de luminosité dans la falaise due à l’éclairage de cet endroit. Toujours dans cette direction, il est possible de discerner des lueurs provenant de Ville Saguenay.
Les cailloux
Si vous vous êtes rendus jusqu’à ce point dans la lecture, vous devez probablement vous demander la raison de la seconde partie de mon titre. Pour les sensibles, je m’excuse d’avance pour ce coup de gueule. C’est que plusieurs marcheurs prennent un malin plaisir à construire des cairns — ou inuksuit — lorsqu’ils arrivent à certains endroits de repos. Or, en plus de polluer visuellement le paysage et de compromettre la préservation d’un lieu, ils peuvent s’avérer extrêmement dérangeants pour les randonneurs cherchant à s’orienter dans des conditions difficiles. En effet, ces constructions sont normalement placées afin de servir de repères.
Durant l’une de mes sorties nocturnes décrite ci-haut, je suis arrivé sur un sommet dégarni où il devait y avoir près d’une quarantaine de ces constructions éparpillées. Je me suis trompé deux fois de direction, m’égarant en forêt et perdant plus de 20 minutes pour retrouver mon chemin. Sans vous faire la liste de tous les mots qui sont sortis de ma bouche, je me contenterai de vous dire d’arrêter de construire inutilement des monticules rocheux.
Superbe série Francis…et pour paraphraser Ansel Adams: Excellente récolte en 2019 !
Merci beaucoup Michel !